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Expertise 15.10.2025
Cinq solutions inspirées de l’industrie automobile pour répondre aux enjeux de la filière nucléaire

Entre la modernisation d’un parc vieillissant, la réduction des coûts des nouveaux réacteurs et la gestion optimisée des déchets, l’industrie nucléaire fait face à de nombreux défis. Pour y répondre, elle peut s’appuyer sur des savoir-faire d’excellence éprouvés dans le secteur automobile.

Historiquement, l’ingénierie nucléaire s’est construite autour d’exigences de stabilité et de rigueur. Cette approche, garante d’un haut niveau de sûreté, a parfois freiné l’adoption de nouvelles méthodes. Résultat : la filière, pilier de notre souveraineté énergétique, se trouve à un tournant. Elle doit moderniser son parc, optimiser ses opérations, maîtriser ses coûts, et faire face à une pression réglementaire croissante.

Pour assurer sa compétitivité et répondre aux impératifs de sobriété et d’efficacité, elle peut s’inspirer de solutions issues de l’automobile – un secteur qui a su évoluer face à des contraintes comparables et qui a su développer des outils robustes pour gérer des projets complexes, tout en garantissant leur rentabilité.

1. Performance opérationnelle et digitalisation

L’industrie automobile a adopté massivement des outils numériques pour rationaliser ses processus et améliorer la qualité de ses produits. Ces outils, qui intègrent des jumeaux numériques, des systèmes de gestion avancée et des simulations en temps réel, permettent d’anticiper les problèmes avant qu’ils n’apparaissent.

Dans le nucléaire, où chaque retard ou écart a des conséquences financières et sociétales majeures, ces technologies pourraient faire une différence significative. Les visites de maintenance (VP/VD), préparées plusieurs années à l’avance, génèrent des surcoûts dès qu’un imprévu survient. Un simple écart non anticipé peut retarder l’ensemble du planning et faire dériver les coûts de plusieurs millions d’euros. L’utilisation de solutions numériques avancées permettrait de mieux anticiper ces aléas, d’optimiser la coordination des interventions et de sécuriser les délais.

2. Fabrication additive pour réduire les coûts et les délais de fabrication

Déjà utilisée dans l’automobile, l’aéronautique ou le spatial, la fabrication additive permet de produire rapidement des pièces complexes, avec une précision élevée et à moindre coût. Par exemple un réservoir spatial produit en 2 jours au lieu de 6 mois, avec 25 % de réduction de masse ; une aube de turboréacteur fabriquée en moins d’un mois, avec 20 % de gain en poids.

Transposée au nucléaire, cette technologie pourrait considérablement accélérer la production ou la réparation de composants critiques (vannes, pompes, échangeurs…), réduire les besoins d’usinage complexe, et rendre disponibles des pièces aujourd’hui introuvables sur le marché.

Dans le nucléaire, certains composants ne sont plus disponibles. Leur remplacement exige des requalifications coûteuses, avec des délais de plusieurs mois. La fabrication additive pourrait répondre à ces besoins en quelques jours, tout en limitant le recours au stockage, source d’immobilisation financière.

Des verrous réglementaires doivent encore être levés, notamment l’homologation de ces procédés selon les normes du secteur. Mais les travaux en ce sens sont engagés, avec une perspective de maturité industrielle d’ici 2030. Il est donc stratégique de préparer la filière dès maintenant à cette transformation.

3. Optimisation des flux avec le lean manufacturing

La gestion logistique est un autre domaine où l’automobile excelle, notamment grâce à des approches « lean » qui limitent les gaspillages et optimisent les chaînes d’approvisionnement. Ces pratiques, qui permettent de réduire jusqu’à 20 % les coûts logistiques dans l’industrie automobile, pourraient être adaptées pour améliorer la gestion des flux ou des sols. Qu’il s’agisse de combustible, de composants ou de déchets, une démarche lean pourrait ainsi contribuer à réduire les coûts et les délais des projets sans compromettre leur qualité.

Cette optimisation est particulièrement pertinente dans les bâtiments anciens, souvent sous-dimensionnés et saturés. Une réorganisation inspirée des méthodes industrielles permettrait de gagner en productivité, d’améliorer la sécurité des interventions et de limiter les périodes d’indisponibilité des installations.

4. Analyse du cycle de vie (ACV) pour une filière durable

L’industrie automobile a fortement investi dans l’analyse du cycle de vie pour mesurer et réduire son empreinte carbone. Cette méthodologie pourrait être utilisée dans le nucléaire pour évaluer l’impact environnemental complet des réacteurs, de la conception au démantèlement, mais aussi celui du combustible et des déchets.

L’ACV est un outil stratégique essentiel pour inscrire la filière dans une démarche durable. Elle permet d’intégrer dans les arbitrages les externalités souvent invisibles (pollutions, consommation de ressources, impacts sociaux…), de prioriser les solutions les plus résilientes et d’objectiver les choix d’investissement.

5. Cost engineering pour maîtriser les budgets

L’industrie automobile s’appuie sur le cost engineering pour anticiper les dérives budgétaires et optimiser les choix dès la conception. Cette approche, centrée sur le coût complet, permettrait à la filière nucléaire de mieux maîtriser ses investissements.

Il ne s’agit plus seulement d’évaluer le coût unitaire d’un composant, mais d’intégrer l’ensemble des coûts à terminaison : retards, arrêts non planifiés, immobilisation des stocks ou délais d’approvisionnement. Une pièce peu coûteuse peut engendrer d’importants surcoûts si elle fait défaut. Le cost engineering apporte cette vision globale, essentielle dans un secteur où chaque jour de retard peut coûter plusieurs millions d’euros.

 

 

 

 

Bien sûr, des acteurs du nucléaire utilisent déjà certaines de ces solutions. Mais à l’heure actuelle, à l’échelle de la filière, celles-ci sont sous-exploitées. Les ingénieurs multi spécialistes, qui travaillent déjà dans des secteurs aussi variés que l’automobile, l’aéronautique ou l’énergie, ont ici un rôle clé à jouer. Leur expertise transverse leur permet de transposer des méthodologies éprouvées à des contextes nouveaux. En mobilisant ces compétences, l’industrie nucléaire pourrait bénéficier des pratiques d’ingénierie les plus avancées pour accélérer sa transformation.

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